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Sommes-nous tous obsédés par nous-mêmes et le monde numérique ?

Nos vies sont numérisées au point que nos profils sur les réseaux sociaux deviennent plus importants que nos actes réels, que nos relations avec des proches. Mais ces usages renferment-ils la vérité absolue ?

Société numérique des réseaux sociaux
Crédit: pixabay.com
Réseaux sociaux

Les gens prennent des centaines de selfies pour en publier un seul. On choisit la posture, les habits, la luminosité, le contraste, on essaye des filtres…et les heures s’écoulent, la journée se termine, la vie passe à côté. Une fois publié, on attend des likes, des commentaires, des nouveaux followers. On revérifie le nombre des likes chaque instant, on regarde qui a exactement liké : ce besoin que les individus ont à obtenir une reconnaissance sociale constante, cette fameuse course aux « like », on constate que ces usage entraînent des phénomènes malsains, notamment une forme de narcissisme absolu. Je ne juge pas, je fais pareil.

L’amitié se juge aussi par des like réciproques. Les membres de la famille ne sont pas toujours autorisés à voir tout le continu de nos profils. On n’ajoute pas nos amoureux dans les amis avant que cela ne soit une relation exclusive et officielle. Ou jamais, même. Certains choisissent un partenaire en fonction de sa présence sur les réseaux, pour former un couple de rêve…mais imaginaire. « Je ne sais pas si je vais continuer à le voir, il n’est vraiment pas photogénique ! » m’a déclaré une amie. On redéfinit toutes les notions de société : qui est un bon ami, une sœur attentive, un copain gentil ? Ils sont ceux qui regardent toujours nos stories, mettent des like, écrivent des commentaires, les premiers, bien sûr. Les jeunes ridiculisent les grands-parents par une pseudo-coupure de la distance générationnelle. On se blesse par des mauvaises interprétations, un manque de smiley, des textos laissés sans réponse, du ghosting.

On ne voit pas la vérité, on voit ce que la personne nous montre.

Le temps où l’on a parlé de double vie sur les réseaux sociaux et la vraie vie, a presque disparu. Maintenant ce phénomène a une triple facette : montrer ce qui est vrai en prétendant que ce n’est pas vrai pour pouvoir se libérer de la vérité. Une amie à moi qui souffre de solitude, voire d’un début de dépression, publie toujours des photos sur Instagram avec des textes méchants et/ou dépressifs. Quand je lui en parle pour voir son état d’esprit, elle nie tout : « Tu sais très bien les réseaux, ce n’est qu’une image. J’ai choisi celle d’une fille dépressive qui mange tout le temps et qui déteste tout le monde. C’est juste mon style ». Sauf que, même étant une mauvaise amie comme je suis, je ressens sa souffrance. Elle montre une soi-disant fausse image de soi pour parler du soi réel.

Sensations vives numérisées

Un voyage ne va pas exister si les photos le prouvant ne sont pas prises. Les gens cherchent à montrer une vie luxueuse à tout prix, même si les prix n’en sont pas abordables. On est coincé dans une boîte de jalousie envers la vie des autres. Je prends le risque de dire que la perte des photos ou des écrits est égale à la perte d’un proche car malheureusement, la mémoire humaine n’est pas parfaite, elle défragmente l’information et efface des souvenirs. Avec les contenus numériques, tout devient flux, un faible ressenti.

Moi qui ai perdu toutes les photos des voyages extraordinaires, des rares photos avec un chéri, des amis, de la famille, mes écritures, mes notes, mes réflexions, mes brouillons d’un roman, ce qui reste dans ma tête ne me satisfait pas. Les voyages, je pourrais les refaire ; les souvenirs d’un ex, tant mieux qu’ils soient partis. On peut tout refaire, mais cela sera une nouvelle création, un nouveau ressenti. Cela ne sera jamais comme avant. Donc oui, pour moi, ce qui n’est pas numérisé, n’a quasiment jamais existé.

Quelles sont les vraies couleurs des choses ? Quelles sont les vraies factures de tissu, des objets ? Il faut que l’on réapprenne à voir cela sans Photoshop. Quels sont les noms des plantes, des arbres, des oiseaux qui nous entourent ? Essayez d’en nommer quelques-uns sans les googler.

Quand on regarde un tableau, on remarque chaque couche de peinture, on a une idée de l’âge de ce tableau. Notre œil collecte l’information différemment et les signaux qu’il envoie vers notre cerveau, créent des perceptions totalement différentes. Je ne m’inquiète pas pour le monde réel, sa beauté ne sera jamais remplacée par tous les effets spéciaux du monde virtuel.

Toujours en ligne

Mais le numérique m’a affectée aussi. Qui suis-je sans lui ? Que pourrais-je sans ses vastes avantages ? C’est mon métier, mon domaine,  un outil indispensable pour une blogueuse. Je soutiens à 100 % le progrès et parfois trouve même qu’on est en retard par rapport à nos ambitions technologiques. Je suis sûrement une mauvaise personne pour conseiller de vivre dans une grotte, allumer un feu, chasser les sangliers. Présente sur les réseaux, je déteste que l’on me reproche de ne pas avoir répondu à tel ou tel message, ou d’avoir attendu quelques jours, semaines ou mois pour y répondre. Mais je n’ai pas trouvé la bonne formule pour dire aux amis que oui, j’ai déjà publié 3 tweets, 5 stories et un post fb mais toujours pas répondu à leur message.

Soyons francs. Je ne sais pas comment les autres utilisent les réseaux sociaux. Moi, je fais défiler les publications dans le métro, en faisant la queue ou attendant quelqu’un. Pour prendre une photo amusante et la publier, cela prend environ 3 minutes et je repars physiquement et mentalement ailleurs, à mon travail, faire du sport ou sortir avec des amis. Répondre immédiatement à un message engage une conversation plus longue, cela demande l’attention et des réflexions. Je ne mentionne même pas les groupes de discussion quand en 5 minutes on peut avoir plus de 60 messages à lire dans plusieurs bulles apparues. Cela donc prend plus de temps, ce que je n’ai pas toujours. Mais quand je réponds, je suis présente et à l’écoute de la personne à 100%.

Autre sorte d’obsession

On a beau penser que l’homme est exclusivement un être social, que le progrès nous a fait plus fort et intelligent, en réalité, cela nous a aussi fait perdre beaucoup de connaissances liées à la nature. Ces « rudiments » humains ont disparu dans le numérique.

A l’opposé des accros du numérique, il y a ceux qui cherchent à revenir vers des origines, vers la nature. Ceux qui apprécient des vraies rencontres entre amis, les dimanches en famille, des longues promenades dans un parc, un week-end déconnecté, du jardinage (même urbain). Il se peut que ces personnes ne soient pas rares. Mais vu qu’ils ne publient pas leur vécu vif, nous n’en savons quasiment rien.

Je suis persuadée que l’homme a toujours besoin de se ressourcer dans la nature. Aucun dimanche devant le Netflix ne donnera le même repos qu’une heure de promenade dans l’herbe, pieds nus. Je suis sûre que chacun a quelque chose d’agréable à faire, autre que surfer sur Internet (même si c’est mon blog et si cela me fait extrêmement plaisir), sans risquer  une nouvelle obsession.


Les Russes peuvent quand ils le veulent, mais ils ne le veulent jamais

Je dis toujours cette phrase pour expliquer le trait de caractère national. On est paresseux et en même temps on est tellement sûr de nous que l’on fait tout au dernier moment. Cela ne donne pas toujours des bons résultats. On regrette ensuite de ne pas avoir anticipé les choses, mais on continue toujours le même schéma. Cela s’est vérifié avec la Coupe du monde. Russie. 2018.

Le gardien russe Akinfeev
Le gardien russe Igor Akinfeev Crédit: commons.wikimedia.org

Dimanche 1er juillet 2018. Tout le monde s’est dit que cela sera dur pour les Russes en huitièmes de finale. Beaucoup de gens soutenaient l’Espagne. Moi aussi, je voyais le fiasco, du genre 0-5 pour l’Espagne, vu que la Russie n’avait jamais été un pays fort dans ce championnat. Après l’élimination de l’Espagne, les Russes ont tous été sous le choc et dans la joie ; certains diront peut-être même que les Russes se sont, encore une fois, dopés.

Je suis exigeante vis-à-vis de l’équipe russe, c’est dû à la confiance que j’ai en elle.

Avant le début de match j’affirmais à mes amis que les Russes peuvent parfois faire des miracles. Je me disais que peut-être la terre natale pouvait aider l’équipe russe. Mais même moi, qui connais le caractère russe, je me disais dans mon for intérieur que, face à l’Espagne, notre caractère ne ferait pas grande chose. On a beau compter sur la force de caractère, quand une équipe de football mondialement reconnue joue en face de toi, tes croyances ne sont pas très utiles.

Un de mes amis a parié pour la Russie (il était le seul sur 21 paris !). Je rigolais, j’ai même dit qu’avec le brésilien naturalisé russe, Mário Fernandes, alors peut-être on aurait une petite chance de gagner, grâce à ses origines. « Je compte plutôt sur la magie de ton berceau natal ! » me répondit cet ami. Je voulais croire, croire à ma propre théorie.  Et, en effet, j’avais raison en disant que les Russes peuvent tout quand ils le veulent… cette pensée confortait ma croyance : si l’on gagnait, alors moi aussi quelque part, j’aurai une chance pour la réussite.

Les Russes ne lâchent rien. Les Russes n’abandonnent pas l’affaire même si tout le monde autour d’eux dit qu’il y a très peu de chance, qu’avoir l’espoir n’est pas toujours bien et que parfois il faut laisser passer. Les Russes sont têtus.

Avec la prolongation, j’étais intriguée par la fin du match, la victoire semblait quasiment dans nos mains. Avec le tir au but, je n’y croyais pas. C’était tellement proche, cette sensation du miracle qui semblait se réaliser, je croyais tomber dans les pommes. Les mains en sueurs, le corps froid par la panique, le souffle arrêté, j’étais scotchée devant l’écran : « Est-ce vraiment possible ? Est-ce arrivé ? ». Le miracle s’est bel et bien produit, la Russie l’a emporté, 5 buts contre 4 !

Les Russes ne savent pas perdre, ils n’aiment pas entendre dire « non », mais ils savent convaincre et ils savent se battre pour la victoire, donc pour ce qu’ils désirent le plus au monde.

Et voilà Igor Akinfeev, le gardien, « avec les mains qui poussent du bon endroit » (expression russe pour décrire une personne qui ne laisse pas tomber les choses). Voilà les Russes qui, pour la première fois dans l’histoire du pays moderne, atteignent les quarts de finale de la Coupe du  monde. Et la la première fois depuis 1970 si on compte l’équipe soviétique ! Donc ils le peuvent, quand ils le veulent. J’espère qu’ils le voudront aussi face à la Croatie, rendez-vous le 7 juillet…


La robotique et l’intelligence artificielle peuvent-elles vraiment nous remplacer ?

L’intelligence artificielle passionne les humains depuis des siècles : de Frankenstein à Maria de Metropolis, une bonne partie de l’industrie artistique du XXème et du XXIème siècle a cherché à prévenir contre la dangerosité de l’intelligence artificielle pour notre société et nos vies.

Intelligence artificielle peut-elle vraiment réfléchir?
Crédit : pixabay.com

Notre peur de l’intelligence artificielle est basée sur au moins deux choses : d’une part, celle que les robots remplacent les travailleurs. Car l’instabilité économique et la mauvaise gestion des gouvernements ne rassurent pas sur la possible sauvegarde des emplois humains. D’autre part, il y a le fait que nous ne comprenons toujours pas clairement le fonctionnement des robots, leur code, etc. Cela fait quelque fois redouter que ces machines ne nous menacent.

Pourtant, nous avons créé des outils d’agriculture primitive, et cela ne nous a pas tués. Nous avons construit des maisons, cela ne nous a pas tués. Nous avons inventé des téléphones portables, cela ne nous a pas tués. Alors pourquoi les robots, qui sont aussi des machines, viendraient-ils nous mettre en danger ?

Peut-être que nous surestimons les capacités de l’intelligence artificielle. Les robots peuvent emmagasiner plus d’informations d’un coup qu’un humain, et sans oublier les détails importants. Mais il faut comprendre que, derrière ces machines, il y a un algorithme pré-saisi par l’humain. Pourquoi avoir construit ces intelligence artificielles ? Pour pouvoir trouver le plus vite possible une meilleure solution à un problème (une solution déjà connue et/ou réfléchie par l’homme). Mais s’il est plus efficace de ce point de vue, le robot, contrairement à l’homme ou la femme, n’est pas capable d’aller inventer une nouvelle solution, une qui n’aurait pas été prévue.

Intelligences artificielles et travail

Regardons ce phénomène dans le milieu du travail : un robot fait des calculs plus rapides et plus souvent justes que les humains. Un robot agricole est plus efficace dans les champs pour cultiver, pulvériser et récolter ; un robot dans les salles d’opération ne risque pas de trembler des mains, etc. Ainsi, les professions liées à l’agriculture, à la génétique, aux mathématiques et à l’ingénierie sont-elles plus en danger que celles des artistes et créateurs.

Par ailleurs, à mon travail, je constate qu’une fois qu’un logiciel cesse de travailler, le personnel se divise en deux parties. D’un côté, il y a ceux qui arrêtent le travail jusqu’à ce que le logiciel reprenne son fonctionnement, parce qu’ils pensent ne rien pouvoir faire sans ce programme informatique. À l’opposé, il y a ceux qui trouvent une solution « à la main » pour terminer une tâche avec des moyens simples mais efficaces et rapides. Ces gens créent des solutions hors de leurs schémas habituels, même dans des conditions de stress.

On a beau penser qu’un robot ne fait jamais de fautes, en pratique, on constate que ces programmes peuvent quand même réaliser des erreurs. Cela prouve qu’il y a toujours besoin d’un homme pour vérifier comment fonctionne un robot, pour le corriger si besoin. Car ces machines ne présentent pas de vraie intelligence, celle qui permet d’utiliser l’imagination, des chemins inhabituels, spontanés et créatifs. (Sauf, bien sûr,  si vous êtes fan de la série « Westworld », où l’intelligence cognitive de haut niveau se retrouve aussi chez des robots.)

En France, les emplois dans les services clients sont déjà largement robotisés. Si vous vous adressez à une entreprise, il y a des chances pour que ce soit un bot qui vous fournisse des réponses pour résoudre votre problème. Ou pas, car cela dépend de la saisie correcte et sans erreurs grammaticales ou d’orthographe de votre question, nécessaire pour qu’un robot puisse utiliser l’algorithme qui fournit ses réponses. Donc si vos formulations ne sont pas très précises, vous allez recevoir le message type : « Désolé, je n’ai pas compris votre demande. Réessayez ultérieurement ». D’ailleurs, à force de voir des robots qui ne comprenaient pas les questions, des chercheurs ont testé quel genre de discussion peut s’engager avec un bot. Résultat : les discussions les plus longues ont été celles où l’homme insulte le bot.

L’intelligence artificielle et l’interculturalité

Les emplois basés sur les relations interpersonnelles ou  la communication sont les moins en danger, surtout quand on parle de travail à l’international et/ou à l’interculturel. Un robot peut parler parfaitement toutes les langues saisies dans son algorithme, mais il ne peut pas nuancer les humeurs et les sentiments humains. Il ne peut pas lire entre les lignes et interpréter le regard, la façon de parler, bref, toutes les subtilités des cultures.

Le fonctionnement des robots est basé sur des schémas pré-saisis, il ne peut pas sortir de son cadre. Coder le comportement humain n’est pas complètement possible. Ce qui est purement humain reste humain. On s’en rend très bien compte si l’on considère les différences interculturelles : imaginez le nombre d’algorithmes qu’il faudrait mettre en place pour permettre les échanges dans une rencontre interculturelle. Des matrices comprenant des items de langage, des sentiments, des perceptions, des gestes, des contextes, qui permettent de voir des subtilités culturelles, ces matrices n’ont pas encore vu le jour. Le cerveau humain peut abandonner les interprétations et croyances évidentes parce qu’il se rend compte que ses perceptions peuvent le trahir, qu’il est capable de le pressentir. Mais ce pressentiment est impossible à expliquer scientifiquement… et donc à coder dans une machine.

 

Les robots et l’intelligence artificielle ne sont pas là pour nous remplacer mais pour donner un nouveau sens à notre existence. Si toutes les tâches mineures et mécaniques peuvent être réalisées par un robot, un homme pourrait se concentrer sur ce qui lui permettra de donner un meilleur sens à sa vie. Il pourrait se réconcilier avec la nature et pouvoir prêter attention à autrui.

Finalement, peut-être que notre crainte des intelligences artificielles vient de l’angoisse d’être plus ou moins capable de trouver un meilleur sens à la vie humaine.


En Russie, tout le monde sait jouer au foot, sauf l’équipe nationale de foot

Cette blague circule en Russie depuis mon enfance, donc les années 90, quand l’équipe de foot de l’URSS a cessé d’exister et tous les joueurs des pays voisins  –  avec le bon climat pour s’entraîner (la Géorgie, l’Arménie, etc)  –  sont partis pour constituer leurs équipes nationales. Depuis, l’équipe de Russie n’a pas eu beaucoup de lauriers… d’après les Russes.

Ballon du foot
Crédit : pixnio.com

Quand on me demande quel est le sport national russe, je réponds le hockey, le biathlon, tous les sports de glace, ce qui paraît logique, on est un pays d’hiver. Même si en été il fait chaud (aussi en Sibérie !). Mais en réalité, le football est bien plus présent dans nos vies que n’importe quel autre sport. Enfants, quand les garçons sortent de chez eux pour jouer un peu dans la rue, ils font du foot.

Sport pour les enfants

Je me rappelle quand j’avais 11-12 ans, à mon école, on avait organisé une sorte de championnat de foot  avec des déguisements comiques. Pour gagner, les équipes devaient être habillées le plus absurdement possible et faire des sauts ridicules pour que le jury remarque notre talent de comédiens. Rejoindre une des équipes était possible pour tous les enfants, y compris les filles. Je ne savais pas du tout jouer au foot, mais j’étais responsable des costumes drôles pour notre équipe.

On avait convenu d’inverser un peu les rôles. Les garçons étaient censés jouer en portant les jupes et les filles des pantalons et avec des moustaches peintes à l’aquarelle. Je me rappelle comme c’était difficile de convaincre les garçons de porter des jupes. Ils ont donc décidé de les mettre dessus leurs shorts. On a insisté pour faire de jolies coiffures pour les garçons en argumentant que nos adversaires allaient beaucoup hésiter face à nous dans ces costumes.

On avait très peur de perdre ce concours. Les garçons au niveau de la tactique de jeu, les filles au niveau des costumes. Depuis l’époque soviétique, on disait toujours que c’est l’amitié qui gagne à la fin des compétitions dans les écoles. Cette fois-là, personne n’a pensé à l’amitié. On voulait gagner. Gênés par nos propres costumes, on a joué comme des vrais pros et on a remporté ce concours. C’était la première et unique fois où je jouais au foot. La même année, en 2002, l’équipe de Russie ne s’est même pas qualifiée pour les 8e de finale.

L’équipe moderne de Russie n’a rien gagné

Les connaisseurs de football vont me dire que l’équipe de la Russie est assez forte et donne parfois des bons résultats. Tout cela est lié à une erreur de perception. Les Russes sont généralement des maximalistes : aller jusqu’aux huitièmes de finale n’est pas une victoire. Au même temps pour le Pérou ou le Maroc, rien que d’être qualifié cette année pour la Coupe du monde après plusieurs décennies d’absence est une victoire.

L’équipe russe a été fondée dans l’Empire russe en 1912. Et depuis cela on n’a jamais gagné la Coupe du monde. En 1960, l’équipe de l’URSS a gagné le championnat d’Europe, puis on a eu quelques tentatives aux finales en 1964, 1972 et 1988. Mais l’équipe de Russie moderne n’a jamais été connue pour ses résultats.

Cependant la culture des supporteurs est bien plus avancée que les victoires de l’équipe. Les Russes n’aiment pas perdre, rien qu’une idée que nous pouvons ne pas réussir nous rend colérique, voilà pourquoi il y a eu les violences entre supporteurs anglais et russes avant le match de l’Euro 2016 en France.

Un match nul pour les Russes est une perte. D’ailleurs, nous avons fait match nul contre l’Angleterre. Quand, par exemple, le match nul entre l’Islande et l’Argentine donne quand même l’impression de victoire morale aux Islandais.

les Russes chérissent leurs invités

La préparation de cette coupe du monde a été beaucoup critiquée, à cause des raisons politiques et organisationnelles. Effectivement, derrière tout cela il y a des motifs différents : la politique nationale agressive, le budget de 13,2 milliards de dollars pour la coupe, les stades non terminés à temps, les stations de métro pas du tout pratiques pour être fréquentées après le championnat, etc.

Mais ce championnat est important pour le peuple russe, pour ne pas se sentir isolé, pour pouvoir communiquer et faire connaissance avec les gens du monde entier. Pour que le monde entier sache aussi que les gens n’ont rien à voir avec la politique nationale. Les Russes n’aiment pas perdre, mais les Russes chérissent leurs invités et les moments passés ensemble.

 


Rêver, un piège interculturel

De quoi rêvez-vous quand la nuit tombe, quand tous les objets chez vous prennent leur calme ? De quoi rêvez-vous quand le soleil entre dans votre chambre, que vous vous lancez et tournez avec un oreiller comme si on vous dérangeait pendant qu’un nouveau rêve ne soit pas encore imaginé jusqu’au bout ?  De quoi rêvez-vous quand vous réalisez que vous n’avez pas entendu ce que dit votre ami, comme si vous étiez sorti faire une longue promenade des rêves ?

Rêver de son bonheur au bord de la mer
La mer fait toujours rêver : KB
Poursuivre son rêve

J’ai presque commencé cet article par des questions banales si vous rêvez beaucoup. Si vous rêvez autant que chaque muscle de votre corps se contracte en extase. Si vous imaginez chaque petit détail de votre Graal que vous êtes sûrs et certains de le tenir entre vos mains. Si vous gardez toujours l’espoir que bientôt vous obteniez ce Graal même si les autres vous disent que c’est un rêve d’enfant. Bien sûr vous le faites. Rêver, c’est dans nos cultures et donc inhérent à tout le monde.

J’ai failli écrire cet article avec une idée simple qu’il ne faut jamais abandonner son rêve et même si à la fin vous avez eu 1 % de tout grand nombre de vos rêves réalisés, ce que votre comptable vous a annoncé en coulissant une boule de gauche à droite sur le boulier de vos rêves, c’est bel et bien un grand accomplissement.  J’ai failli dire qu’il est clair que mettre les efforts pour un rêve, c’est un grand risque car on ne peut pas savoir en avance si on poursuit le bon rêve. Mais vous le connaissez déjà.

Motiver les autres

Je voulais motiver les autres mais que sais-je des autres ? Que sais-je de leurs rêves ? Je ne sais pas de quoi rêvent les amoureux, je ne connais pas de quoi rêvent mes amis, je ne suis même pas informée du rêve de ma sœur. J’étais tellement enivrée par mes rêves que le monde entier ne m’intéressait plus. Comme si quelqu’un m’avait dit la vérité absolue que très peu de gens poursuivent leur rêve. Je n’ai jamais donc demandé si les autres osent le faire comme moi. Je les regardais simplement avec des yeux en verre.

Pourtant je me souviens à quel point c’était ridicule et affreux de parler de ses rêves même avec des proches. Mais plus les étapes vers mon rêve étaient achevées, plus j’étais sûre de moi d’arriver vers mon plus grand rêve, comme s’il était déjà là, assis à côté de moi sur le canapé et lisait MON journal matinal en fumant un cigare. Il avait un sourire en coin, comme s’il me disait :

« ne me regarde pas avec tes yeux étonnés, comme si tu ne croyais pas que bien sûr je suis déjà là ».

Le rêve d’enfance

Enfant, mon activité préférée était de rêver. Je sortais de chez moi, entrais dans le jardin familial et là l’imagination m’avait amenée loin où tout était possible. En sautant sur un tas de terre, je m’imaginais sur scène en train de prononcer la parole de remercîment pour m’avoir choisie dans ce grand concours. Avec une baguette à la main, je me voyais tenir le rôle de guerrière dans un film, le plus important dans ma carrière. À la maison, en s’asseyant sur un vieux canapé, je prononçais l’extrait des interviews le plus honnête et jamais dit auparavant. Quand j’ai parlé de ce que j’avais construit dans ma tête pour l’avenir, il n’y avait aucun doute que cela se réalisera un jour, il fallait juste grandir pour tout accomplir. Rêver, c’est la meilleure chose que j’ai apprise. Et c’était ma cécité.

Aveugle et enivrée, j’évitais ceux qui rêvent beaucoup, je les vois bizarre, ne pas être de ce monde et ne pas parler une langue humaine. Pour être sincère, je les voyais comme les concurrents, je devais être seule à marquer l’histoire. Je m’entourais des gens que je croyais rêver. Ils me disaient : « Je ne peux pas passer plus de temps avec toi, j’ai un rêve à réaliser ». Aux autres je disais qu’avec une telle grandeur de mon rêve, ils ne sont certainement pas chaussure à mon pied. Je courais loin de tous ces gens avant que je ne tombe dans une fosse.

Je pensais que dire à un rêveur pas sûr de lui : « Poursuis-le ! Fais-le » avec une voix diabolique, soit la meilleure motivation évangélique. Je souhaitais leur bien. J’appris à rêver par moi-même mais personne ne m’a apprise à accueillir le rêve de quelqu’un d’autre, de le faire grandir. Quand un ami m’avait avoué qu’il voulait être chanteur, je lui dis froidement : « Deviens-le ». Ce n’était pas par méchanceté ou par moquerie de son rêve, je voulais juste lui dire qu’il a toutes les chances du monde que cela va se réaliser.

Rêver, c’est interculturel

Dans la culture russe, si tu veux obtenir quelque chose, fais tout pour l’obtenir et ne mets jamais les obstacles sur table. C’est comme le rêve américain : sois le meilleur ou meurt. Au Nigeria, les gens disent qu’il faut prier pour ses rêves. Mais il faut faire le nécessaire en le formulant pour ne pas se retrouver dans une fosse, comme moi. Une amie m’a dit que : « les Français sont malgré tout optimistes, sinon ils ne perdraient pas autant de temps à manifester. S’ils font toutes ces grèves, c’est qu’ils croient en la possibilité d’obtenir ce qu’ils veulent », j’ai donc décidé de changer.

Sortir de sa fosse

J’ai mis beaucoup de temps pour sortir de ma fosse, j’ai grimpé avec mes mains et j’ai pris de la terre sous mes ongles. Là, en haut, je rêve d’apprendre à partager les rêves sagement et de savoir accueillir les rêves des autres pour les encourager avec toute la bienveillance et le respect.  Les rêves sont contagieux.  Peut-être serais-je passionnée par le rêve de quelqu’un d’autre ?