12 septembre 2017

Home sweet home, que ce soit en France ou ailleurs

Le soleil se coucha et il m’emmena voir la ville de nuit. « C’est ici que je veux vivre ! », s’exclama-t-il en me désignant de belles propriétés dans un quartier chic. « Il ne te reste qu’à travailler de façon à gagner suffisamment », répondis-je. Je ne me fâchai même pas qu’il n’ait pas de temps pour moi à cause de son travail. Je respecte ceux qui poursuivent leur rêve, tout comme moi je poursuis le mien.

Chez-soi haussmannien
Maisons parisiennes: KB

J’ai quitté le domicile familial quand j’avais 17 ans pour aller faire mes études dans une autre ville sibérienne. J’avoue que partir ne m’a pas rendu si nostalgique car je ne concevais vraiment pas cette maison comme la mienne, mais comme celle de ma grand-mère. J’ai toujours été obsédée par l’idée d’avoir ma propre maison, de choisir une ville, un quartier, de trouver la décoration parfaite, adopter des animaux de compagnie et y vivre heureuse pour toujours.

À 21 ans, j’ai quitté mon pays dans le but d’avoir une vie exceptionnelle. Je n’étais pas malheureuse chez moi, ni en manque de possibilités, mais j’entendais cette voix qui me disait de partir. Partir de nulle part vers nulle part. Prendre cette décision a été facile, j’avais déjà ma bouée de sauvetage : une maison que je venais d’acheter en Sibérie sans jamais y avoir habité. Mais je savais que quels que soient mes accomplissements et les erreurs que je commettrais, j’aurais toujours un endroit vers lequel revenir.

Avoir un chez-soi est très important dans la vie, cela ne représente pas uniquement la stabilité financière, mais tout d’abord mentale ; on est en sécurité, on est stable. Quand on n’a pas de chez-soi, on n’a qu’une seule envie, celle de se cacher de notre famille, de nos proches, de la société, de couper tout contact. Sans rien dire, sans rien expliquer même si ceux que nous aimons ou qui nous aiment pourraient nous aider. La douleur d’être sans abri est insurmontable.

La solitude involontaire et indésirable conduit notre décision de nous éloigner.

Quelques années me séparent maintenant de ce jour où je suis partie sans savoir où aller ; cette capacité de notre mémoire à effacer les souvenirs négatifs rend cette histoire presque cinématographique. Mais la douleur d’être obligée de quitter la maison pour laquelle j’avais tant fait et dans laquelle je comptais vivre me revient chaque fois que je passe devant. Étrangère, seule, sans famille, sans garant français, sans revenus stables, on ne m’a pas prolongé mon bail simplement parce que je n’avais pas fourni mon certificat de scolarité avant la date limite (certificat que j’ai obtenu un mois plus tard).

Je vais mieux et je n’ai aucune envie d’y revenir mais il me semble que c’est une des rares choses que je ne saurais pardonner. J’ai mal vécu cette mésaventure, mais j’avais toujours mon filet de sauvetage en Sibérie, un chez-moi qui m’attendait et qui m’a sauvée par la seule pensée que je possédais une maison quelque part.

Des proches ont vécu la même situation : rejetés sans explications, sans la moindre raison. C’était douloureux aussi, cela reste douloureux. Je l’ai appris plus tard et j’ai alors partagé ce sentiment en comprenant que l’autre personne ne veuille ni de mon empathie, ni de mes conseils. On n’est pas protégé contre ceci.

J’ai appris qu’une fois qu’on est chez soi, à cet instant-là uniquement on se sent en sécurité.

Mon entourage pense que ma décision quant à la ville où je vais m’installer n’est pas négociable : inéluctablement Paris. La ville qui m’a choisie. La ville que j’ai choisie. Je me sens ici à ma place ; peut-être est-ce seulement l’arrogance d’une provinciale habitant enfin la capitale, mais les problèmes des grandes villes, ce rythme de vie, ne me dérangent pas.

En même temps, j’ai grandi dans une maison en Sibérie avec un vaste jardin où l’on plantait nos légumes et nos fruits, où l’on avait un petit pavillon entouré de fleurs, une cheminée et une rangée de bûches pour nous chauffer. Jardiner me manque certainement, voilà pourquoi j’ai un petit potager devant mes fenêtres parisiennes.

Fraise sur les fenêtres parisiennes
Potager parisien : KB

Penser au fait que mes enfants ne sauront pas comment une petite graine devient une grosse citrouille ou comment on coupe du bois me rend triste. Mais tant qu’ils auront leur propre maison, ils seront heureux, que ce soit un appartement en ville ou une maison en banlieue avec un jardin.

Un jour, je serai heureuse d’apprendre qu’il s’est installé dans ce quartier chic proche de cette mer turquoise, même si nos maisons sont vouées à être entourées de paysages différents.

KB

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Commentaires

Patrick Compas
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Bonjour,
Cette semaine nous sommes ensemble en couverture du Mondoblog RFI avec nos articles qui traitent de la vie Parisienne. Je suis Parisien aussi depuis toujours en revanche je n'ai pas de fraises devant ma fenêtre mais la tour Eiffel. En espérant vous croiser dans la capitale, mais ne craigniez rien je ne mangerai pas vos fraises !!! félicitations pour vos articles. спасибо . Patrick.

comcult
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Bonjour Patrick, c'était un honneur pour moi aussi d'avoir été publiée à coté de vous! Votre riche expérience m'a beaucoup inspiré pour la suite sur le Mondoblog. Kristina