3 septembre 2017

Émotions naturelles, vivre la rencontre à la française

Il était beau, fort et grand, souriant et un peu timide. Il me semblait avoir des yeux bleus comme cette mer derrière nous. Je remarquai que je ne savais pas comment les rendez-vous se déroulent en France. Il me regarda dans les yeux, serra mes épaules dans ses bras et répondit : « On n’a pas tant de différences ». J’étais plus âgée mais cela me fit plaisir qu’il me rassure.

Plage de Nice : KB

Cet été-là, j’ai débuté mon parcours dans les études culturelles en ayant une idée claire quant à mon positionnement : nous sommes tous pareils de nature, mais avec des habitudes et perceptions différentes. Je ne suis ni universaliste (celui selon qui les différences culturelles n’existent pas et les règles sont universelles), ni ethnocentriste (celui qui pense que sa culture est la référence à suivre), mais je crois que nos émotions naturelles (joie, tristesse, amour, haine, colère, peur, surprise etc.) nous font nous rapprocher les uns des autres, nous faire entendre et être compris. Darwiniste, je crois au postulat que les sentiments sont innés, universels et communicatifs; adepte de l’approche anthropologique, je suis persuadée que nous avons tous quelque chose en commun (voir les travaux de Claude Lévi-Strauss).

En examinant l’histoire, on remarque ce désir (peut être bien artificiel) d’être différent, remarqué, de suivre notre propre route, ce qu’on voit beaucoup dans les études culturelles ayant une approche psychologique (nous sommes tous des étrangers les uns pour les autres). Ce désir nous aveugle, il nous fait oublier que notre nature est commune. On aime en France, comme on aime en Russie, on a peur aux États-Unis comme on a peur en Italie, la solitude nous rend mélancolique sur chaque continent de cette Terre. Les gestes, les intonations, les mimiques feront la différence, mais le fait de ressentir ces émotions nous rapproche. Nous pouvons faire des efforts pour admirer ces points communs et respecter nos différences.

Je ne crois vraiment pas que la vie avec mon amoureux sera impossible pour la seule raison que nous sommes nés sous un ciel différent, que ces traits culturels nous éloignent. Nos besoins humains sont identiques, nous voulons nous sentir en sécurité, avoir une vie stable et saine, et être aimés.

Une grande partie de nos croyances culturelles se trouve dans notre inconscient, on ne peut pas s’interdire facilement d’agir d’une façon ou d’une autre, ou, d’un seul coup, modifier nos préférences. Mais nous pouvons toujours trouver d’autres solutions. Je l’ai testé : grande amatrice de thé ayant une adoration pour la cérémonie familiale du thé à la russe (autour du samovar, chacun ajoutant un volume d’eau différent selon ses goûts), j’ai découvert que mon amoureux déteste le thé. Que faire si l’un adore le thé et l’autre ne boit que du café le matin ? Nous avons trouvé un point commun : le whisky. Les traditions évoluent et s’élargissent. En ce qui me concerne, j’ai ainsi la nouvelle habitude de boire un verre le weekend. Relève-t-elle de ma culture ? Oui, parce que je viens de me l’approprier et parce que j’ai des choses en commun avec celui qui semblait être un étranger culturellement différent.

Place Masséna, Nice : KB

Il avait des yeux marron mais ma perception culturelle de la beauté m’a fait bleuir ses yeux. De la même façon, il me voyait un peu plus grande, comme tous les Russes. Mais nous avons sans doute partagé un même sentiment d’amour pour cette mer turquoise.

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