Rêver, un piège interculturel

Article : Rêver, un piège interculturel
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27 mai 2018

Rêver, un piège interculturel

De quoi rêvez-vous quand la nuit tombe, quand tous les objets chez vous prennent leur calme ? De quoi rêvez-vous quand le soleil entre dans votre chambre, que vous vous lancez et tournez avec un oreiller comme si on vous dérangeait pendant qu’un nouveau rêve ne soit pas encore imaginé jusqu’au bout ?  De quoi rêvez-vous quand vous réalisez que vous n’avez pas entendu ce que dit votre ami, comme si vous étiez sorti faire une longue promenade des rêves ?

Rêver de son bonheur au bord de la mer
La mer fait toujours rêver : KB
Poursuivre son rêve

J’ai presque commencé cet article par des questions banales si vous rêvez beaucoup. Si vous rêvez autant que chaque muscle de votre corps se contracte en extase. Si vous imaginez chaque petit détail de votre Graal que vous êtes sûrs et certains de le tenir entre vos mains. Si vous gardez toujours l’espoir que bientôt vous obteniez ce Graal même si les autres vous disent que c’est un rêve d’enfant. Bien sûr vous le faites. Rêver, c’est dans nos cultures et donc inhérent à tout le monde.

J’ai failli écrire cet article avec une idée simple qu’il ne faut jamais abandonner son rêve et même si à la fin vous avez eu 1 % de tout grand nombre de vos rêves réalisés, ce que votre comptable vous a annoncé en coulissant une boule de gauche à droite sur le boulier de vos rêves, c’est bel et bien un grand accomplissement.  J’ai failli dire qu’il est clair que mettre les efforts pour un rêve, c’est un grand risque car on ne peut pas savoir en avance si on poursuit le bon rêve. Mais vous le connaissez déjà.

Motiver les autres

Je voulais motiver les autres mais que sais-je des autres ? Que sais-je de leurs rêves ? Je ne sais pas de quoi rêvent les amoureux, je ne connais pas de quoi rêvent mes amis, je ne suis même pas informée du rêve de ma sœur. J’étais tellement enivrée par mes rêves que le monde entier ne m’intéressait plus. Comme si quelqu’un m’avait dit la vérité absolue que très peu de gens poursuivent leur rêve. Je n’ai jamais donc demandé si les autres osent le faire comme moi. Je les regardais simplement avec des yeux en verre.

Pourtant je me souviens à quel point c’était ridicule et affreux de parler de ses rêves même avec des proches. Mais plus les étapes vers mon rêve étaient achevées, plus j’étais sûre de moi d’arriver vers mon plus grand rêve, comme s’il était déjà là, assis à côté de moi sur le canapé et lisait MON journal matinal en fumant un cigare. Il avait un sourire en coin, comme s’il me disait :

« ne me regarde pas avec tes yeux étonnés, comme si tu ne croyais pas que bien sûr je suis déjà là ».

Le rêve d’enfance

Enfant, mon activité préférée était de rêver. Je sortais de chez moi, entrais dans le jardin familial et là l’imagination m’avait amenée loin où tout était possible. En sautant sur un tas de terre, je m’imaginais sur scène en train de prononcer la parole de remercîment pour m’avoir choisie dans ce grand concours. Avec une baguette à la main, je me voyais tenir le rôle de guerrière dans un film, le plus important dans ma carrière. À la maison, en s’asseyant sur un vieux canapé, je prononçais l’extrait des interviews le plus honnête et jamais dit auparavant. Quand j’ai parlé de ce que j’avais construit dans ma tête pour l’avenir, il n’y avait aucun doute que cela se réalisera un jour, il fallait juste grandir pour tout accomplir. Rêver, c’est la meilleure chose que j’ai apprise. Et c’était ma cécité.

Aveugle et enivrée, j’évitais ceux qui rêvent beaucoup, je les vois bizarre, ne pas être de ce monde et ne pas parler une langue humaine. Pour être sincère, je les voyais comme les concurrents, je devais être seule à marquer l’histoire. Je m’entourais des gens que je croyais rêver. Ils me disaient : « Je ne peux pas passer plus de temps avec toi, j’ai un rêve à réaliser ». Aux autres je disais qu’avec une telle grandeur de mon rêve, ils ne sont certainement pas chaussure à mon pied. Je courais loin de tous ces gens avant que je ne tombe dans une fosse.

Je pensais que dire à un rêveur pas sûr de lui : « Poursuis-le ! Fais-le » avec une voix diabolique, soit la meilleure motivation évangélique. Je souhaitais leur bien. J’appris à rêver par moi-même mais personne ne m’a apprise à accueillir le rêve de quelqu’un d’autre, de le faire grandir. Quand un ami m’avait avoué qu’il voulait être chanteur, je lui dis froidement : « Deviens-le ». Ce n’était pas par méchanceté ou par moquerie de son rêve, je voulais juste lui dire qu’il a toutes les chances du monde que cela va se réaliser.

Rêver, c’est interculturel

Dans la culture russe, si tu veux obtenir quelque chose, fais tout pour l’obtenir et ne mets jamais les obstacles sur table. C’est comme le rêve américain : sois le meilleur ou meurt. Au Nigeria, les gens disent qu’il faut prier pour ses rêves. Mais il faut faire le nécessaire en le formulant pour ne pas se retrouver dans une fosse, comme moi. Une amie m’a dit que : « les Français sont malgré tout optimistes, sinon ils ne perdraient pas autant de temps à manifester. S’ils font toutes ces grèves, c’est qu’ils croient en la possibilité d’obtenir ce qu’ils veulent », j’ai donc décidé de changer.

Sortir de sa fosse

J’ai mis beaucoup de temps pour sortir de ma fosse, j’ai grimpé avec mes mains et j’ai pris de la terre sous mes ongles. Là, en haut, je rêve d’apprendre à partager les rêves sagement et de savoir accueillir les rêves des autres pour les encourager avec toute la bienveillance et le respect.  Les rêves sont contagieux.  Peut-être serais-je passionnée par le rêve de quelqu’un d’autre ?

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